26e Dimanche du Temps Ordinaire (A) 2023
1 octobre 2023
- Frère Marie-Jean BONNET
INTRODUCTION : FRERE MARIE-JEAN
1er octobre, nous entrons dans ce mois du Rosaire et le mois missionnaire aussi. Il y a un lien, parce que la prière du Rosaire est celle que Marie vient nous rappeler si souvent, et qui, malgré son apparence si humble, si pauvre, est puissante et contribue justement à répandre l’Évangile. Le Rosaire c’est la méditation de l’Évangile qui contribue à le répandre, à l’imprimer dans nos cœurs, dans nos vies, pour que ça puisse déborder, que nous devenions aussi ces apôtres, ces missionnaires au cœur de feu. Et discrètement, c’est la fête aussi de Thérèse de l’Enfant Jésus, Ste Thérèse et précisément qui a été nommée patronne des missions, Docteur de l’Église, et puis patronne secondaire de la France.
Confions ce mois d’octobre à Thérèse, à Marie et au Seigneur bien sûr. Demandons-lui la grâce de faire un pas de plus dans cet esprit missionnaire qui s’enracine d’abord, comme je le disais, dans la prière.
Préparons-nous, frères et sœurs, à célébrer ce mystère de l’Eucharistie en reconnaissant que nous avons péché.
HOMELIE : FRERE MARIE-JEAN
Je n’ai pas eu le bonheur d’aller à Marseille, il y a une semaine, mais j’ai eu la joie d’entendre le Cardinal Aveline quelques temps auparavant, début septembre, lors d’un pardon en Bretagne, qu’il présidait. Je ne le connaissais pas et c’est vrai que, j’allais dire « pour une fois », j’ai retenu des bribes d’homélie, et parce qu’effectivement c’était assez bien trouvé, au seuil de cette nouvelle année pastorale, il voulait nous donner une boussole. Il s’adressait à des bretons, donc en particulier à des marins, et donc il nous a laissé une boussole pour cette nouvelle année. Alors, j’ose reprendre cette boussole pour vous la confier aussi, parce que je pense que cela rejoint bien nos lectures de ce jour. Une boussole avec quatre points cardinaux : la disponibilité, la responsabilité, l’humilité et la bonté.
Disponibilité :
« Va travailler aujourd’hui à la vigne. » Un appel semblable à dimanche dernier déjà, souvenez-vous. Le Seigneur a de la suite dans les idées et il sait aussi que nous sommes peut-être un petit peu sourd d’oreille. Peut-être oui nous avons répondu « oui-oui Seigneur », et puis rien n’a été décidé ou bougé depuis dimanche dernier. Alors le Seigneur répète : « Mon enfant va travailler aujourd’hui à la vigne. » Pas demain, pas après demain, aujourd’hui tu iras travailler à ma vigne.
Et puis « mon enfant », dimanche dernier, il s’agissait d’ouvriers, aujourd’hui c’est « mon enfant ». Le Père du Ciel, j’allais dire, nous prend par les sentiments. Il nous rappelle qu’Il est notre Père bien aimé. Et s’Il nous dit « va travailler à la vigne », ce n’est pas pour exercer un autoritarisme. C’est parce qu’Il sait que travailler à sa vigne, c’est-à-dire à son règne, est notre vrai bien. C’est là que nous allons trouver, effectivement, la réalisation vraie de nous-mêmes. Et que c’est en travaillant aujourd’hui à sa vigne, que nous conditionnons notre bonheur éternel plus ou moins grand.
Souvenez-vous de l’image de la petite Thérèse : au Ciel, tout le monde sera plein, mais il y aura des dés à coudre et des bocks, j’allais dire. Voilà, ça dépend de nous, de notre réponse d’aujourd’hui. Appel pressant, oui plein de tendresse de notre Père du Ciel.
Il y a quinze jours nous entendions cette parole de St Paul : « Dans notre vie, comme dans notre mort nous appartenons au Seigneur. »
Et que c’est difficile, il faut bien toute une vie je dirais – le Seigneur est patient, Dieu merci – il faut bien toute une vie pour se détacher de soi-même. On a tellement un instinct de propriété de sa propre vie, alors que nous sommes faits pour nous abandonner à la volonté du Père comme Jésus.
La prière eucharistique n°4, je l’ai citée bien souvent, et je la re-cite encore aujourd’hui, justement nous redit cela, puisque la liturgie c’est la catéchèse primordiale de l’Église. Si nous participons avec un cœur éveillé dans la foi, comme dirait Isabelle de la Trinité, si nous participons avec une écoute attentive et le cœur ouvert à la liturgie, nous sommes catéchisés en particulier par cette parole. « Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à Lui le Christ Jésus qui est mort et ressuscité pour nous. » Oui, il faut bien toute une vie pour découvrir que c’est cela une sagesse.
Ai-je conscience d’avoir œuvré chaque jour, aujourd’hui pour le Seigneur, et donc d’être entre état permanent d’écoute et de disponibilité au Seigneur ? Au seuil d’une année, enfin du moins elle est déjà engagée, et cette nouvelle année, chaque année nouvelle, année pastorale, le Seigneur veut et peut, avec notre liberté bien sûr, jamais sans elle, faire du neuf dans nos vies. Disponibilité. « Je suis la servante du Seigneur », voilà comment Marie se définit. Elle est toute disponibilité, disponibilité en paroles, mais bien plus encore en actes, et voilà l’appel à la responsabilité.
Que notre vie concrète, nos choix, nos actes de chaque jour réponde, corresponde à nos paroles. Voilà, c’est tellement facile, nous le savons bien, de faire de beaux discours sur Dieu, sur l’Évangile, sur l’Église. Et puis dans le concret quel fruit, quelle incarnation ? Oui, que notre vie corresponde à nos paroles, c’est bien ce que nous dit entres autres l’Évangile de ce jour. Notre Père du Ciel préfère le fils qui râle et refuse d’abord, mais finalement obéit, à celui qui fait de belles promesses, mais ne bouge pas. « Ils disent et ne font pas », dit Jésus des Pharisiens qui se croient justes devant Dieu.
Responsabilité :
Le Seigneur en nous appelant à œuvrer à sa vigne, c’est-à-dire à son Règne, nous fait confiance, puisqu’Il nous associe à son œuvre. Il compte sur nous et nous donne les moyens, les talents de remplir la tâche qu’Il nous confie. Nous aurons donc à répondre de cette confiance et des talents reçus. Chacun aura à rendre compte de sa réponse personnelle, en actes et en vérité, et de sa persévérance. Alors la bonne nouvelle c’est qu’effectivement nous pouvons changer, toujours en bien et aussi en mal. Vigilance. « Qui n’avance pas recule », une sagesse populaire, et c’est tellement vrai aussi dans l’ordre spirituel.
Disponibilité, responsabilité, humilité :
Humilité parce que : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? », dit St Paul. Voilà, ce sont les talents que le Seigneur nous a donnés et qu’il faut faire fructifier, non pas enfouir, par peur. « L’humilité c’est la vérité. », disait Thérèse d’Avila.
Si Jésus fait remarquer aux Pharisiens que les Publicains et les prostituées les précèdent dans le Royaume de Dieu, ce n’est pas bien sûr en raison de leurs péchés graves. Mais parce que, très conscients en raison de la gravité de leurs péchés – ils ne peuvent pas le nier – en raison même de la gravité de leurs péchés, ils sont conscients de leur misère et de leur indignité. Et conséquemment, ils sont réceptifs aux appels de la Miséricorde, aux appels à la conversion qui les pressent, que ce soit de Jean-Baptiste ou de Jésus.
Avons-nous conscience, nous, nous chrétiens et chrétiens de longue date, avons-nous conscience d’avoir à nous convertir encore et toujours, jusqu’au bout ? Ou sommes-nous installés dans une autosuffisance et une fausse tranquillité, dans un ronron spirituel ?
J’aime, j’allais dire, entendre un pénitent qui dit : « Mon père, je sens que je n’aime pas le Seigneur, que je suis pécheur. » Ah ça me fait plaisir parce que je me dis : « Voilà, vous avez raison, vous n’aimez pas assez le Seigneur, oui vous êtes un pécheur. Tant mieux que vous en ayez conscience, parce que c’est la porte ouverte, c’est la perméabilité justement à la conversion, à la miséricorde. »
Mais quand on pense en faire suffisamment, en avoir fait suffisamment, et qu’on demande au Seigneur une retraite anticipée, Il n’est pas d’accord.
Disponibilité, responsabilité, humilité. Humilité que St Paul nous rappelle aussi dans sa parole : « Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. » Curieuses paroles peut-être. Il ne s’agit pas de se comparer. On sait bien que la comparaison est mortifère, puisque nous sommes tous uniques au monde, comme disait le Petit Prince ou le renard.
Il ne s’agit pas de se comparer, mais dans l’esprit de Paul, c’est de savoir reconnaitre, regarder ce qu’il y a de beau, de bon chez l’autre. « Encouragez-vous les uns les autres », nous dit-il aussi dans ce même passage. Il nous invite surtout à regarder comme nous le chantons souvent maintenant, et c’est tant mieux, cette prière de St François : « Regardez l’humilité de Dieu ».
C’est ce que fait l’apôtre St Paul dans la lettre aux Philippiens : « Regardez l’humilité de Dieu », voilà ce qu’Il fait pour vous, Lui. Alors, c’est le chemin, il n’y en a pas d’autre, pas d’autre chemin de vérité, que de prendre ce chemin de l’humilité.
Et puis la bonté :
Bien sûr, c’est ce que nous dit St Paul au début de ce même passage aux Philippiens. Voilà, encouragez-vous, faites encore de nouveaux progrès dans cette bonté, dans cette bienveillance.
Et bien voilà une boussole, qui je pense, si nous la gardons dans notre cœur, peut éclairer, nous aider à faire le point. Nous sommes dans ces points cardinaux qu’il ne faut pas choisir, qu’il faut choisir tous, tous ensembles.
Et bien demandons à Thérèse, qui est un guide spirituel sûr, Docteur de l’Église, et qui a vécu cela bien sûr. Demandons à la Vierge Marie, Reine du Rosaire, que cette prière du Rosaire ne soit pas mécanique, mais soit vraiment une prière évangélique, un moment d’amour, d’intimité avec Elle et par Elle, avec le Seigneur pour justement grandir dans cette disponibilité, cette responsabilité, cette humilité et cette bonté.
AMEN