29e Dimanche du Temps Ordinaire (A) 2023

22 octobre 2023

  • Frère Marie-Jean BONNET Frère Marie-Jean BONNET

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Les paroles que le Saint Père Jean-Paul II adressait aux familles rassemblées à Sainte Anne d’Auray, il y a pas mal d’années maintenant, 1996 je crois, elles sont particulièrement d’actualité pour deux raisons. Puisque c’est aujourd’hui effectivement la mémoire de Saint Jean Paul II. La liturgie sera discrète à ce sujet, puisque c’est le dimanche la fête du Seigneur. C’est lui-même qui prime bien sûr. Mais c’est quand même sa mémoire, on peut faire mémoire de Saint Jean-Paul II, ce grand pape missionnaire.

Oui, parce que, justement, nous venons de le chanter, le Christ vous appelle à transmettre ce message d’espérance qu’est l’Évangile, la bonne nouvelle du salut, de Jésus toujours à l’œuvre pour sauver les hommes de bonne volonté, aujourd’hui. Oui, Saint Jean-Paul II qui nous a donné un témoignage missionnaire extraordinaire, malgré sa santé bien mise à mal après l’attentat, a continué à arpenter le monde entier pour crier la joie de l’Évangile. Demandons-lui de réveiller en nous cette ardeur missionnaire.

Reconnaissons sans doute nos tiédeurs, en tous cas de temps en temps, ce manque de courage aussi dans notre monde, c’est vrai, si sécularisé, si matérialisé, notre respect humain peut-être, parfois notre manque de courage qui vient sans doute d’un manque de joie, la joie d’être chrétien, la joie d’avoir rencontré le Christ.

Demandons au Seigneur, oui, de nous guérir, de nous sauver, de faire de nous des disciples missionnaires.

 

Homélie :

« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu. » Eh bien, qu’est-ce qui est à Dieu sinon tout ? Tout est à Dieu, il faut tout lui rendre. C’est le sens de notre présence à l’Eucharistie : venir offrir toute notre vie, ce que nous faisons de bien par grâce de Dieu, et aussi toutes nos misères, et lui donner pour qu’il vienne nous guérir, nous transformer.

En cette journée mondiale des missions que nous donne l’Église, que nous donne notre Saint Père, je veux effectivement relayer ce message qu’il adressait en début d’année déjà, mais pour cette journée, puisque c’est un message lumineux. J’aime beaucoup notre Pape, j’aime beaucoup sa parole et son génie, je dirais, du verbe qui sait aussi effectivement interpeler par des mots justes. Relayer pour vous inviter surtout à prendre le temps de retrouver, de relire ce message dans son intégralité. Ce que je ne ferai pas.

Le thème est le suivant : des cœurs brûlants et des pierres en marche. Alors vous reconnaissez sans doute l’Évangile des disciples d’Emmaüs qui est effectivement cette trame que suit notre Pape dans sa méditation sur cet Évangile, pour mettre en relief la transformation missionnaire, puisque c’est quand même bien le but de cette journée, de réveiller en nous, de nous aider à reprendre conscience de cette dimension missionnaire qui est essentielle dans la vie d’un chrétien. C’est bien notre Pape qui a diffusé justement cette expression que « les disciples de Jésus sont des disciples missionnaires ». On ne peut pas séparer les deux, on ne peut pas être disciple sans être missionnaire et on ne peut pas être missionnaires sans être fondamentalement disciple, c’est-à-dire celui qui se met à l’école du maître, de Jésus.

Donc sa méditation s’appuie sur trois images, trois réalités : des cœurs, des yeux, des pieds. Des cœurs brûlants, des yeux qui s’ouvrent et des pieds qui se remettent en marche.

Des cœurs brûlants, oui bien sûr, c’est bien connu, mais on a toujours à y revenir. « Des cœurs brûlants tandis qu’ils nous expliquaient les Écritures. » La Parole de Dieu éclaire et transforme le cœur, dans la mission. Effectivement nous le savons bien, j’allais dire ces braves disciples, oui, parce qu’ils étaient disciples, ils s’étaient mis à l’école du maître, mais voilà, que leurs espérances et leur espérance, tout cela s’est effondré avec la mort de Jésus. Ils pensent que tout est fini.

« Le Seigneur nous, dit le Pape, prend l’initiative de s’approcher des siens et de marcher à leurs côtés. » Et de souligner que « C’est toujours le Seigneur qui a l’initiative. » Et cet Évangile, je crois, je l’espère, dont on ne se lasse pas de fréquenter, de méditer, tant il nous rejoint, je crois. Je pense que cet Évangile peut nous rappeler, je pense que la plupart d’entre nous ont vécu cette expérience, d’un moment ou de plusieurs moments dans leurs vies, où tout était noir, tout semblait s’effondrer, où en tous cas nous étions gagnés par le découragement, notamment le découragement dans la mission.

Et puis, petit à petit, le cœur s’est réchauffé, parce que le Seigneur était là, parce que le Seigneur nous a rejoints dans ce moment de noirceur, de découragement, de nuit. Je pense. Si j’interviewais chacun de vous, vous pourriez me citer au moins une période de votre vie. Vous avez fait cette expérience d’un Dieu qui s’approche, qui nous rejoint alors qu’on se sent seul et on se sent sans plus d’élan.

Le Seigneur prend l’initiative de s’approcher des siens. Dans sa grande miséricorde, il ne se lasse pas de rester avec nous, malgré nos défauts, nos doutes, les faiblesses, malgré la tristesse et le pessimisme qui nous rendent sans intelligence et lents à croire, des hommes de peu de foi. Oui, aujourd’hui comme autrefois, le Seigneur ressuscité est proche de ses disciples missionnaires. Il marche à leurs côtés surtout lorsqu’ils se sentent perdus. « Ne nous laissons pas voler l’espérance », nous redit notre Pape.

Je rappelle que le Christ a connu bien des échecs, lui aussi, le premier, dans sa mission. Il n’est pas besoin de citer les lieux évangéliques où le Christ, ne serait-ce que dans l’Évangile d’aujourd’hui, on voit cette fermeture des cœurs qui doit bouleverser le Christ devant tant de mauvaise foi, devant tant de méchanceté, lui qui n’est qu’amour. Quel mystère ! Oui le Christ a connu des échecs.

Il ne faut pas évidemment être surpris de rencontrer, nous aussi, l’hostilité ou tout simplement l’indifférence qui nous meurtrit aussi, cette indifférence si souvent présente autour de nous. Les jours de la vie ne sont pas tous ensoleillés, mais souvenons-nous toujours des paroles du Seigneur Jésus à ses amis avant sa Passion : « Dans le monde vous avez à souffrir, mais courage, moi, je suis vainqueur du monde. »

Jésus nous l’a prouvé par sa résurrection, mais aussi depuis 2000 ans, parce que cette bonne nouvelle, je me répète beaucoup, mais c’est quand même important de le regarder, la bonne nouvelle de l’Évangile gagne du terrain toujours et toujours. Vous voyez que ce Pape est allé en Mongolie. Qui pouvait penser qu’un pape aille en Mongolie ? Il allait, comme Paul à son époque, et encourageait les petites communautés naissantes. C’est le cas en Mongolie, dans ce pays si loin et si éloigné culturellement aussi de nous. L’Évangile prend racine et le Pape s’est émerveillé de la ferveur de cette jeune, mais fervente, communauté qui va grandir.

Jésus interprète bien sûr les Écritures, dans toute l’Écriture ce qui le concernait, et les cœurs des disciples se réchauffèrent. En effet, Jésus est la Parole vivante qui seule peut enflammer, éclairer et transformer le cœur.

La connaissance de l’Écriture est importante pour la vie du chrétien et plus encore pour l’annonce du Christ et de son Évangile. Sinon, que transmet-on aux autres, si ce n’est ses propres idées, ses projets ? Un cœur froid pourra-t-il jamais faire brûler celui des autres ?

Voilà, bien sûr, nous, prêtres nous nous répétons, parce que nous le savons bien, nous les premiers aussi, nous sommes parfois atteints de paresse spirituelle, de paresse pour nous nourrir de la Parole de Dieu. Cela nous guette tous, car on a l’impression de la connaitre par cœur. Alors bof, on voudrait du nouveau, voilà. Et parfois, on perd son temps sur les écrans, au lieu de prendre le temps de se nourrir de la Parole de Dieu, tous les jours. C’est ça qui peut changer notre cœur, l’illuminer, nous redonner, faire réveiller la foi.

Laissons-nous donc toujours accompagner par le Seigneur ressuscité qui nous explique le sens des Écritures. Laissons-le brûler nos cœurs, nous éclairer et nous transformer, afin que nous puissions annoncer au monde son mystère de salut avec la puissance et la sagesse qui viennent de son esprit. Sans doute cette paresse spirituelle qui nous guette toujours est-elle due à notre manque de foi, de foi que cette parole est une Parole, non pas un écrit, une Parole que Dieu nous adresse, qui est vivante et qui peut nous transformer, nous éclairer, nous transformer aujourd’hui.

Et puis, avec les cœurs qui se réchauffent, avec la rencontre du Christ ressuscité qui se fait enseignant par sa Parole, ce sont les yeux qui s’ouvrent. Les yeux qui « s’ouvrirent et le reconnurent à la fraction du pain ». Jésus dans l’Eucharistie est le sommet et la source de la mission.

J’aime aussi à souligner qu’on peut voir dans ces cœurs qui se réchauffent évidemment les vertus de foi et d’espérance qui renaissent et qui s’éveillent à nouveau, que Jésus éveille, que Jésus donne, redonne à ses disciples désespérés, la foi et l’espérance. Et cette foi et cette espérance vont pousser à la charité, en ceci que les cœurs brûlants pour la Parole de Dieu ont poussé les disciples d’Emmaüs à demander au mystérieux voyageur de rester avec eux. C’est beau ça !

La foi et l’espérance quand elles se réchauffent, quand elles se réveillent, poussent à la charité, poussent à sortir de soi, à accueillir l’autre. Et inversement, la charité, à son tour, va faire grandir la foi, puisque les yeux des disciples vont s’ouvrir, et reconnaitre la présence de Jésus qu’ils n’avaient pas encore reconnu, grâce à leur charité qui leur a fait demander que le Christ reste avec eux.

L’élément décisif qui ouvre les yeux des disciples est la conséquence des actes réalisés par Jésus : prendre le pain, le bénir, le rompre et le leur donner. Il renouvelle, pour les deux convives, le signe de la multiplication des pains, et surtout celui de l’Eucharistie, sacrement du sacrifice de la Croix. Le Christ qui rompt le pain devient maintenant le pain rompu, partagé avec les disciples, et donc consommé par eux, et ceci est important.

Il est devenu invisible parce qu’il est maintenant entré dans le cœur des disciples, pour les faire brûler encore davantage, les incitant à reprendre la route sans tarder, pour communiquer à tous l’expérience unique de la rencontre avec le Ressuscité. Donc ces yeux qui s’ouvrent grâce au fait que Jésus rompt le pain, mais surtout qu’il devient ce pain rompu qui s’offre, leurs yeux s’ouvrent et ils vont être transformés aussi, dans un nouvel élan missionnaire.

Tout disciple missionnaire est appelé à devenir comme Jésus et en lui, grâce à l’action de l’Esprit Saint, celui qui rompt le pain et celui qui est pain rompu pour le monde. Magnifique je trouve, oui nous aussi, « devenez ce que vous recevez », nous le chantons souvent. Nous sommes appelés nous aussi à rompre le pain.

Et le Pape a expliqué en quoi : par exemple à rompre le pain par la charité, et à devenir pain pour les autres, pain rompu. A cet effet, il faut rappeler qu’une simple fraction de pain matériel, avec les affamés, au nom du Christ, est déjà un acte missionnaire chrétien. A plus forte raison la fraction du pain eucharistique qui est le Christ lui-même est l’action missionnaire par excellence, car l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église.

A cette occasion, permettez-moi aussi d’inviter parmi ce pain qui est rompu, d’appeler aussi à rompre le pain de la visite aux malades. Notamment, je me fais le relai aussi de cette invitation de l’aumônerie hospitalière à rompre le pain de la visite aux malades. Il y a tant de solitude parfois, des malades qui restent des mois à l’hôpital, en ayant si peu de visites, y compris de leur famille. Il y a une faim d’amour, il y a une faim de présence, de compassion. Et ça, je dirais, c’est à la portée de tout le monde, je crois, sauf exceptions, mais je pense que c’est à la portée de tout le monde.

Une présence, il n’y a pas de discours à faire, une présence, la charité est missionnaire. Il n’y a pas besoin non plus de faire de prosélytisme, comme dit souvent le Pape, une présence qui peu à peu va créer un climat de confiance, d’ouverture. Et même si on ne voit qu’une fois une personne parce qu’elle ne reste pas longtemps, eh bien, venir au nom de l’aumônerie, voilà, c’est un témoignage d’amour. C’est le Christ qui vient dans celui qui visite.

Et Benoit XVI de rappeler, il cite son prédécesseur : « Nous ne pouvons garder pour nous l’amour que nous célébrons dans le sacrement de l’Eucharistie. L’Eucharistie n’est pas seulement source et sommet de la vie de l’Église, elle est aussi source et sommet de sa mission. » « Pour porter du fruit, ça c’est le pape François qui parle, pour porter du fruit, nous devons rester unis à lui, Jésus, et cette union se réalise par la prière quotidienne, surtout dans l’adoration. »

Et récemment notre pape François rappelait que nous avons à retrouver l’adoration. Si nous avons cette chance, cette grâce, c’est bien de la vivre, et de la proposer à tous les fidèles qui le peuvent, de venir prendre un temps d’adoration. Mais vous pouvez le vivre dans toutes les paroisses, dans tous les lieux où il y a le Saint Sacrement. Même s’il n’y a pas d’exposition solennelle de l’Eucharistie, Jésus est là, présent au tabernacle.

Et ce temps que vous allez brûler, comme disait un prédicateur, pour lui, forcément sera source. Le Christ, effectivement, va réchauffer votre cœur. Et même si vous ne ressentez rien, cela n’empêche pas le Seigneur de travailler votre cœur, et de mettre dans votre cœur des grâces dont vous avez besoin pour devenir missionnaire justement. Ce n’est jamais du temps perdu, même si l’on ne ressent rien. Dieu est fidèle.

Cette union se réalise par la prière quotidienne, surtout dans l’adoration, en restant en silence, en présence du Seigneur qui reste avec nous dans l’Eucharistie. En cultivant avec amour cette communion avec le Christ, le disciple missionnaire peut devenir un mystique en action.

Et puis je termine avec cette troisième image, les pieds en marche. Parce qu’effectivement ils avaient des pieds de plomb je pense, ces pauvres disciples en allant vers Emmaüs. Et puis voilà que, par cette rencontre du Christ qui a illuminé leur cœur, l’a réchauffé, a ouvert leurs yeux et leur a permis de reconnaitre qu’il était ressuscité, vivant, vainqueur, ce sont leurs pieds de plomb qui se transforment en pieds de sportifs, en pieds de coureurs, de gagneurs. Et ils se « lèvent aussitôt et se mettent en marche », nous dit l’Évangile. Après avoir ouvert les yeux, en reconnaissant Jésus dans la fraction du pain, les disciples à l’instant même se levèrent et retournèrent à Jérusalem.

Et le Pape de nous rappeler ce qu’il nous avait dit dans sa première exhortation apostolique. « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ, la joie nait et renait toujours. On ne peut vraiment rencontrer Jésus ressuscité sans être enflammés par le désir de le dire à tout le monde. »

Aujourd’hui plus que jamais, l’humanité blessée, oh oui, par tant d’injustice, de divisions et de guerres, a besoin de la bonne nouvelle de la paix et du salut dans le Christ. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable.

La conversion missionnaire, c’est-à-dire la conversion de nous à la mission, convertir, retourner notre cœur vers les autres, pour leur partager, pour leur offrir, leur proposer, leur offrir ce qui habite notre cœur, et ce qui nous remplit de paix et de joie. La conversion missionnaire reste l’objectif principal que nous devons nous fixer en tant qu’individu et en tant que communauté, car l’action missionnaire est le paradis, c’est-à-dire le modèle de toute tâche de l’Église.

Chacun peut contribuer à ce mouvement missionnaire par la prière et l’action, par des offrandes d’argent et de souffrances, par son témoignage. C’est pourquoi la quête d’aujourd’hui est faite pour les œuvres pontificales missionnaires. C’est une des manières bien sûr d’aider la mission.

Alors le Pape conclut avec ces mots d’exhortation : « Repartons donc, nous aussi, éclairés par la rencontre avec le Ressuscité, et animés par son esprit. Repartons avec des cœurs brûlants, les yeux ouverts, les pieds en marche, pour enflammer d’autres cœurs avec la Parole de Dieu, ouvrir d’autres yeux à Jésus Eucharistie, et inviter tout le monde à marcher ensemble sur le chemin de la paix et du salut que Dieu, dans le Christ, a donné à l’humanité. »

Sainte Marie de la route, mère des disciples missionnaires du Christ et Reine des missions, priez pour nous.